Contexte

Il se plante au Canada bon an mal an plus de 300 millions d’épinettes. Cela représente plus de 100 000 hectares reboisés annuellement. Les semis d’épinettes sont encore à ce jour peu ou pas améliorés pour des caractères complexes comme la qualité du bois ou la résilience aux facteurs biotiques et climatiques, notamment en raison des forts coûts de leur évaluation et des longs délais encourus par cette évaluation au champ. Avec les progrès réalisés dans le domaine de la génomique des épinettes, il est maintenant possible aux améliorateurs des arbres d’utiliser à l’échelle opérationnelle les tests de sélection par la génomique. Ces derniers permettent de prédire la performance future au stade de très jeunes arbres et ainsi, d’accélérer les opérations de sélection de nouvelles variétés de reboisement qui seront plus résilientes et productives dans le contexte des changements climatiques.

Les tests de sélection génomique (tests SG) — appelés ici FastTRAC pour Tests Rapides pour l’Amélioration des Conifères (en anglais, Fast Test for Rating and Amelioration of Conifers) — sont des outils/procédures diagnostiques qui ont été développés au Québec au cours des 10 dernières années chez les épinettes, et qui permettent de prédire rapidement la valeur génétique d’arbres faisant partie de programmes d’amélioration et ce à un très jeune âge et pour un très grand nombre d’arbres, et pour plusieurs caractères simultanément.

La procédure est basée sur l’information génotypique obtenue à l’échelle du génome, et qui est appelée profil génomique (voir la figure). L’approche FastTRAC diffère de l’amélioration génétique conventionnelle en ce sens qu’elle permet d’estimer, à partir de profils génomiques qui peuvent être obtenus en quelques mois, la valeur génétique d’arbres à un très jeune âge ou au stade de semis, plutôt qu’après une phase d’évaluation en champ qui peut durer jusqu’à 30 ans pour certains caractères à forte valeur économique ou environnementale.

Schéma : étapes de la sélection par la génomique

Pour développer chez une espèce et une population d’amélioration un test de sélection par la génomique pour un caractère à valeur économique ou d’adaptation comme la productivité en croissance, la densité du bois ou la résistance aux facteurs biotiques ou climatiques, le caractère doit d’abord être évalué sur quelques centaines d’arbres matures présents dans des plantations établies dans le passé par les améliorateurs forestiers. Ensuite, le profil génomique de chaque arbre dont le caractère d’intérêt a été évalué doit être obtenu pour un grand nombre de marqueurs génétiques.

Un modèle mathématique est alors construit pour relier les profils génomiques ainsi obtenus aux caractères mesurés sur les arbres au champ. Une fois la validation du modèle effectuée avec satisfaction avec un ensemble indépendant d’arbres venant de la même population, le test peut être utilisé pour prédire la valeur génétique de tout autre arbre venant de la même population, ce dernier pouvant être très jeune (comme de jeunes semis, graines en germination ou lignées embryogènes). Pour effectuer le test, seule une petite quantité d’ADN de chaque sujet candidat à la sélection est nécessaire, à partir de laquelle son profil génomique sera obtenu.

Nos recherches nous ont permis de démontrer que de 90% à 100% des gains obtenus par l’approche d’amélioration conventionnelle qui fait appel au testage au champ sur de longues périodes de temps (dizaines d’années), pouvaient être obtenus rapidement par les tests FastTRAC de prédiction par la génomique effectués sur de jeunes arbres ou semis de la même population d’amélioration, sans avoir à passer par une longue phase de testage au champ. Les jeunes arbres candidats pour lesquels la valeur génétique a été prédite par leur profil génomique peuvent ainsi être triés en fonction de ces valeurs et les meilleurs peuvent ensuite être sélectionnés pour un ou plusieurs critères, puis être reproduits végétativement et être utilisés dans les programmes de reboisement, sans attendre l’évaluation à l’âge de maturité. De plus, les arbres se prêtent généralement bien mieux à la multiplication végétative lorsqu’ils sont encore jeunes au moment de la sélection.

L’approche recèle des gains économiques très significatifs puisque les plantations de nouveau matériel amélioré peuvent se faire une génération plus tôt, tout en procurant une plus grande flexibilité aux améliorateurs pour adapter les variétés au fur et à mesure qu’évolueront les changements climatiques ou encore, en fonction de nouveaux objectifs d’amélioration venant d’un marché des produits forestiers en mutation rapide.